VSL et Risques climatiques :
ou l’art d’omettre la partie immergée de l’iceberg

Depuis de très nombreuses années, les hommes cultivent la vigne avec des densités/hectare vraiment différentes selon les régions, car le potentiel qualitatif de ces dernières, ainsi que celui des vins que l’on peut y produire sans contrainte hydrique sévère, est pluriel tout en étant singuliers. A vouloir laisser libre court aux VSL à toute une AOC aux terroirs aussi divers et variés que ceux de la Champagne, nos décisionnaires se méprennent grandement.

Orientons-nous vers la partie immergée de cette réflexion.

Après de multiples échanges avec des microbiologistes des sols de renommée mondiale, voici ce qui est systématiquement relevé :

Lorsque la ressource hydrique commence à manquer à la vigne, les vignobles en haute densité se démarquent par leur capacité à bien mieux explorer les sols et sous-sols en profondeur via leur système racinaire, afin de capter l’eau là où elle est naturellement présente. Le recours à l’irrigation est évité dans l’écrasante majorité des cas, sur de la vigne suffisamment vieille et bien conduite historiquement. Les vignobles en faible densité, souffrent quant à eux beaucoup plus de stress hydrique par manque d’exploration racinaire profonde.

En effet, un couvert végétal (endémique ou sélectionné) ou un travail des sols en surface sur le rang ne remplacera jamais la concurrence entre ceps ; mais cette dernière ne permet pas aux racines de s’étendre en profondeur…elle ne permet qu’un étalement en surface.

Notons également qu’en Champagne, la craie dont nous parlons systématiquement n’est que rarement présente en surface de type affleurant. Ce sont majoritairement les terroirs champenois propices au Chardonnay qui présentent ces spécificités et qui seraient probablement les moins impactés, mais la Champagne ne se résume pas qu’à cela, et il serait inopportun de vouloir renforcer certains clivages existants. A noter, que les terroirs visés seraient tout de même impactés par des systèmes racinaires bien moins plongeant.

Une autre question est en droit de se poser, peut-on décider d’une règle générale au sein d’une appellation alors même qu’elle est très diverse dans ses sols… Limon-Argileux sur craie, argiles sur craie, sables profond drainants, kimméridgien et portlandiens drainants (liste non exhaustive). Cela pose un grand problème éthique.

Il ne faut en aucun cas négliger les sous-sols, ils sont fondateurs dans la construction des vins et sont les témoins de l’histoire du vignoble. Baisser les densités de plantations tout en gardant les mêmes objectifs de maturité et de rendement, soit environ 79,05hl/ha (12400kg/ha), dirige systématiquement la conduite de la vigne vers une surface foliaire exposée par pieds bien supérieure à celle des hautes densités ; ce qui par ailleurs, engendre une évapotranspiration bien plus grande.

Dans le schéma actuel, à l’heure où le manque de ressources hydriques est de plus en plus marqué, cela n’est rien d’autre qu’une incohérence agronomique de plus.

En effet, le rapport qui veut prendre en considération la Surface Foliaire par rapport à la réserve utile de la surface cultivée ne fait preuve d’aucune véracité. Il faut l’interpréter par pied puisque la capacité du cep à puiser dans ces ressources dépend bien évidemment de son enracinement. Qui est bien meilleur en haute densité…

Tous ces éléments nous indiquent que le recours à l’irrigation pour une majorité de ces futures plantations, sera inévitable sans pluviométrie importante.

Pour conclure ce paragraphe, nous pouvons affirmer que cette décision entrainerait :

Un détachement de la vigne de son terroir par manque d’exploration racinaire profonde.

Une évapotranspiration accompagnée d’un enracinement en surface par pied trop importante, engendrant irrémédiablement une carence en eau dans les millésimes les plus chauds et secs. Et donc un recours inexorable à l’irrigation.

L’Irrigation deviendrait un objectif de l’AOC Champagne. Une utilisation de la ressource en eau déjà en grande tension dans la région Grand Est

• Cette même irrigation engendrera pour la vigne, le retrait définitif des éléments de son terroir. En effet, cette dernière n’ira plus produire de racines en deçà de la zone irriguée. Dans ces conditions, ce sera l’avènement des vins 100% oenologiques sans origine de lieu. Une hérésie !

Une dégradation qualitative sans précédent par souci de mécanisation massive.

Il y a des limites à ne pas franchir à ce sujet. Cela entraînerait en partie l’effondrement qualitatif du joyau national que sont nos vignobles et vins AOC. Les vignobles ayant déjà connu les problèmes causés par le réchauffement et le dérèglement du climat (Afrique du Sud, Californie, une partie de l’Australie, etc.) ont su, pour la plupart, réagir assez rapidement et changer leur mode de production : les vignes sont désormais plantées sur des densités plus importantes pour permettre une plus forte concurrence et obtenir un enracinement plus profond permettant d’aller chercher la fraîcheur du sous-sol.

L’ombre portée est nettement améliorée avec des densités plus élevées. Les rendements sont plus faciles à maitriser et subissent beaucoup moins la variable dues aux conditions climatiques.

Des professionnels du vin, tels que Jeremy Cukierman, Master of Wine font ce constat sans

appel : « Des régions septentrionales, telles que la Champagne, prennent une voie agronomique de certaines régions, dîtes de climat chaud, et inversement. » Ces personnes ne comprennent pas pourquoi la Champagne s’entête dans une voie de faible densité qui a montré ses limites et ses contraintes dans les régions où le climat est identique à celui que la Champagne connaitra d’ici une à deux décennies.

Ce rapport final est consternant, et démontre une fois encore, qu’aucun enseignement n’a été tiré des régions qui ont connus les mutations climatiques auxquelles nous commençons à nous confronter ici à ce jour.

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