VSL et Environnement :
ou l’art de perdre une dynamique positive

En France, les essais et la recherche ont toujours eu pour but de mettre à l’épreuve des méthodes alternatives ou nouvelles. Mais en quoi une plantation d’une densité de 5000pieds/hectares représente-t-elle une nouveauté ou une quelconque avancée pour le vignoble ? A la lecture éclairée de ce rapport (annexe 6), chaque point énoncé peut être remis en cause.

C’est pourquoi nous tenons à préciser notre vision vigneronne en apportant nos réflexions au travers d’une argumentation réaliste qui appuie notre ferme opposition à la modification du cahier des charges de l’AOC Champagne, Coteaux Champenois et Rosé des Riceys sur les points VI 1 a et b.


A l’inverse de ce qui est prôné dans ce rapport, la mise en place des VSL influence et impacte négativement la biodiversité et la vie des sols, tout en ayant une incidence néfaste sur le développement du HVE et de la viticulture biologique, ainsi que sur l’impact carbone de chaque vigneron.

En effet, la biodiversité s’exprime positivement aujourd’hui en Champagne au travers d’une belle occupation racinaire par la vigne et des plantes auxiliaires qui poussent naturellement. Cette biodiversité est accompagnée par le travail du vigneron, du fait de sa capacité à laisser s’implanter entre les rangs un couvert végétal naturel, ou à semer un couvert adapté aux besoins de ses parcelles et à travailler sous le rang, ou en désherbant de façon cadrée. On imagine aisément que l’inter-rang d’une VSL plantée à 2m sera semée d’un pâturin commun (ou pas) pour résister aux passages réguliers d’engin mécaniques. Quelle diversité !

De plus, la seule proposition du cahier des charges concernant les couverts végétaux est liée à une période du 30 novembre (sic) au 31 janvier, il n’est mentionné nulle part une quelconque information sur la taille de ces inter-rangs couverts.

Enfin, enlever un rang sur deux va générer plus de passage de matériels mécaniques et donc engendrer un risque plus grand de tassement des sols.

Par ailleurs, si le système racinaire d’une vigne est prépondérant comparé à sa surface foliaire, il en est tout autre pour les couverts végétaux, pour qui le ratio racine-feuille est inversé. Cela laisse à penser que de ne voir uniquement la biodiversité via le prisme de ce qui pousse hors du sol n’est qu’une vision biaisée et incomplète de ce qu’est réellement la biodiversité.

Concernant le bilan carbone de chaque vigneron, selon le tableau 32 p.73 de ce rapport, le nombre d’heures pour désherber mécaniquement, tondre, gérer les inter-ceps, appliquer les traitements, les produits de traitements et les engrais est équivalent à 22,8 heures/ha/an pour la vigne REF. Mais il est à noter que pour une vigne VSL, ce même calcul engin revient à 36,5 heures/ha/an, soit une augmentation de 60% de temps de tracteurs !

S’il est vrai que la consommation de diesel est plus importante actuellement pour un enjambeur qu’un tracteur inter-rang, il est aussi à noter que la mise en marché des premiers tracteurs à énergie électrique sont des enjambeurs, depuis plus de 10 ans. Par opposition, il n’existe pas encore d’équivalent électrique pour les tracteurs inter-rang, engin pourtant incontournable dans la culture en VSL, puisqu’issus des grandes cultures et d’un travail intensif.

Aussi, il est certain que le bilan carbone d’une VSL à laquelle on demandera de très haut rendement par pied sera moins bon qu’une vigne Référente. En effet, le rapport a fixé ses calculs sur une durée de vie de vignes de 30 ans. C’est d’ores et déjà imaginer leur courte vie, alors que la moyenne d’âge actuelle des vignes de Champagne dépasse les 35 ans. Qui plus est, à compter de cet âge, les raisins de ses vignes à belle densité donnent de très grands vins de Champagne.

La réponse qualitative pour garder une bonne gestion des sols et des sous-sols ne réside pas dans l’élargissement des rangs, l’appauvrissement de la diversité des couverts ni dans l’utilisation de matériel mono-rang avec du matériel tracté plus imposant et avec des passages mécaniques répétés.

La promotion des VSL avant le vote ayant été largement couplée à l’objectif « Zéro herbicide 2025 » par nos administrateurs du SGV, cela revient à faire de cette expérimentation un argument pour faciliter la mise en œuvre du zéro herbicide. Cela étant, ces mêmes représentants par la voix de leur président viennent purement et simplement d’annuler cet objectif Zéro herbicide 2025 lors de la récente Assemblée Générale du SGV du 7 Avril dernier. Un non-sens de plus.

Le résultat de cette expérimentation ne fait que donner plus de place aux gros engins mécaniques, et non à la vigne. Et le but n’est finalement que de réduire les coûts grâce à l’usage d’outils génériques utilisés, sans différenciation avec d’autres régions viticoles mondiales. Pourtant pour mieux gérer sols et sous-sols, de vraies nouveautés via la robotisation et de nouvelles pistes, comme les CIMS (Cultures Intermédiaires Multi-Services) nécessiteraient d’être explorées, mais ne bénéficient quant à elles, d’aucune expérimentation.

Enfin, pour conclure sur l’influence des VSL et sur le développement de la culture en conduite biologique, il est à noter que la Bio a connu l’an passé une expansion de 33%, ce qui représente 8% de l’AOC Champagne.(CR AGO 2022 Association Champagne Biologique) La viticulture biologique n’attend donc nullement une baisse de la densité de plantation pour se développer.

En effet, conduire une vigne de 5000 pieds/ha en visant une production en adéquation avec les rendements champenois actuels va demander beaucoup plus de fertilisation, va orienter le vigneron vers le choix de clones très productifs et non diversifiés, et exigera une protection phytosanitaire sécuritaire afin d’amoindrir le risque de pertes de rendements.

Si, pour compenser la faible densité, ces pratiques productivistes sur VSL ne permettent pas d’atteindre le rendement régional à l’hectare, alors d’autres pratiques productivistes seront également appliquées sur les vignes à densités Référentes de l’exploitation. Un cercle vicieux qui n’aura plus aucune vertu… C’est donc, tout l’inverse de ce que véhicule les certifications environnementales, comme HVE, qui s’inscrivent dans la traçabilité et la promotion d’une approche culturale équilibrée.

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G.P

Je suis tout à fait d’accord avec vous.

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